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Les sons et le Chi
(Et le ciel est encombré)
29 NOV 2023
J’ai longuement hésité à placer cette photo de Vlady pour illustrer mon article, tellement elle est intime et personnelle. Je l’avais pourtant déjà choisie il y a longtemps de cela, pour la préface de la première édition de La Voie de l’énergie. C’était en Belgique, à Maredret, dans la maison qu’habitaient Michèle et Vlady. J’avais pris la petite caméra de Michèle pour prendre la photo. Capter ce moment imprégné tout à la fois du travail et du repos, de l’enseignement et du partage, de l’actualité et du futur, de la bonté et de la force… Tant de choses dans cette attitude et ce regard. Aujourd’hui, j’ai trouvé que la tranquillité de l’attitude et l’amour silencieux de ce regard pouvaient bien illustrer le texte qui suit, voire même le rendre inutile pour qui sait regarder et sentir. Mes mots ne parviendront jamais à exprimer ce que ce regard dit.
Aussi surprenant que cela puisse paraître, je dirais que la finalité des sons porteurs de Chi est le silence. Ne rien entendre, ne faire aucun bruit.
Je dirais aussi que le fait d’imprégner de Chi des sons et des bruits n’est pas plus exceptionnel que d’en imprégner nos bras ou nos jambes… ce que nous faisons consciemment chaque jour en pratiquant le Tai Ji Quan.
C’est vrai qu’il semble y avoir beaucoup d’attraits pour les sons bizarres comme les sons diphoniques, les sons gutturaux et rauques et plus simplement, pour une « étrange beauté planante » que certaines « musiques » dégagent. Il faut peut-être y voir un certain exotisme, mais surtout un manque de repères dans le domaine du Chi. Car, si ces particularités sonores (lorsque les sons sont produits naturellement et non travaillés électroniquement) démontrent un savoir-faire, un savoir utiliser certains muscles du corps tout à fait digne de respect, ils n’ont finalement rien à voir avec le Chi, ou tellement peu. Nous sommes là, encore très loin de la recherche que nous propose l’Art du Chi.
Pour étayer ma première affirmation, j’ajouterais ceci : que ce soit à l’aide des sons ou de notre Tai Ji Quan, toutes nos techniques énergétiques sont orientées vers un certain état de corps et de conscience nous permettant de nous rapprocher de la source de notre vie. Voire même, de la source de la Vie, dans le miracle de sa rencontre avec la matière. Cette recherche ne peut se faire qu’avec le plus grand respect (le plus grand effacement de l’individu), dans la meilleure forme physique et mentale possible (oui, il y a travail acharné et ascèse), dans l’élimination de toutes les peurs, et tellement d’autres choses encore. Et finalement, se conclure dans le plus grand silence, intérieur et extérieur.
Pour étayer ma deuxième affirmation, je rappellerais que Vlady affirmait que le travail des sons porteurs de Chi se situe au sommet de l’Art du Chi, en tout cas à l’un de ses aboutissements. Cela n’empêche pas que la pratique du Tai Ji Quan et des Sons porteurs de Chi est bénéfique et peut améliorer la santé et le bien-être de beaucoup de gens, même si peu d’entre eux atteignent un certain niveau de maîtrise. Comme pour atteindre tout ce qui est élevé, il faut commencer par les premières marches, celles qui se trouvent le plus simplement à notre portée. Ce n’est que lorsqu’on approche du sommet qu’on se rend compte de toute la richesse de la base. Ainsi, faire circuler le Chi dans les jambes et les bras préfigure-t-il le fait de le faire circuler dans l’espace, sonore ou non.
Cette qualité de Chi, de vie qui imprègne notre corps, cette force qui rend léger nos mouvements et porteurs nos sons, qui les induisent même par moment, j’ai tendance à appeler cette qualité « l’âme ». C’est elle que je vois dans le regard et dans la pose de Vlady sur la photo.
Le ciel est encombré
Ou encore...
et encore...
De jour comme de nuit et par tous les temps, c’est merveilleux le ciel ! Ses couleurs, sa lumière… Et toutes ces branches, ces bâtiments, toutes ces traînées d’avions; la pluie, le vent, la luminosité trop forte, même les bruits environnants et la conversation de la personne qui accompagne votre promenade; tout ça, nous en faisons facilement abstraction. Si c’est le ciel que nous regardons, nous ne prêtons pas attention au reste. N’est-ce pas ?
Si nous y prêtions attention, nous verrions enfin que notre vision du ciel est encombrée par tous ces obstacles. Que le ciel que nous voyons est déformé par ces filtres qui lui donnent des formes qu’il n’a pas. Que serait le ciel sans ces entraves ? Peut-on voir sans déranger ? Les obstacles n’étant pas seulement physiques et extérieurs à nous, mais intégrés dans notre propre regard qui n’est donc pas neutre, mais tout encombré de ce que nous vivons, de ce que nous croyons et pensons ! Donner forme au monde, est-ce notre seule condition ?
Vous l’aurez compris, ce ciel encombré c’est le Chi tel que nous le percevons, tel que nous le travaillons aussi. Ce Chi que nous qualifions peut-être trop vite de Vie et qui dans la société ne désigne souvent que de simples distractions. C’est à cette attention particulière que je vous invite en cette fin d’année avec la nouvelle série Zoom et le stage qui chevauche 2023 et 2024.
Le vide des sens et le vide mental
La détente et la structure, comment lier ces deux états de corps et d’esprit ?
La relation entre les sons porteurs de Chi et les mouvements de Tai Ji Quan
L’âme, dans les sons et dans le Tai Ji Quan
Me rejoindrez-vous ?