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Le ciel est encombré
(Les 7 couches de la réalité)
24 JAN 2024
Un de mes carnets de notes de l’époque (1984-85… Ciel, 40 ans !)
« Restons dans le noir, dans le monde. Gardons les pieds sur Terre.
Mais… Ouvrons l’esprit, le cœur vers autre chose. Vers le blanc. »
Mais… Ouvrons l’esprit, le cœur vers autre chose. Vers le blanc. »
Vlady nous enseignait. La relaxation profonde, le travail du Pouce, le « tripotage » de la réalité, la conscience… Il y a longtemps. Des techniques, et parfois du bla-bla sur une plage.
Dans la tradition Hindoue, il y a 7 états de conscience, 7 couches à la réalité que nous percevons. Il nous parlait avec la profondeur du vécu. Souvent avec humour, en utilisant par exemple des mots latinisés. Ainsi l’Homo-Blablablans, l’Homo-Corpus, l’Homo-Profondis, l’Homo-Liquidus, l’Homo Centrum… jusqu’à l’Homme-Conscience et enfin la 7e couche, la Conscience sans l’homme.
De la première couche de la réalité où tout est objet extérieur (y compris soi), à la 7e couche où il n’y a plus aucun objet (y compris soi), en passant bien sûr par l’illusion du « moi » intérieur, Vlady nous décrivait ce chemin comme allant du noir au blanc, de l’ombre à la lumière.
Le noir de la 1re couche, résultant d’une accumulation tellement dense d’objets, d’images, de mots ; d’idées spirituelles, brillantes ou débiles ; de connaissances scientifiques, symboliques, artistiques ; de croyances et de passions ; de tensions, de guerres et de lassitudes ; de besoins et de superflu… De la vie (sociale) quoi ! Le noir est donc bien orienté dans le sens de la protection et de la propagation de la vie.
La lumière étant l’effacement progressif de tout ça, c’est-à-dire de tout ce que crée notre système de perception et de cognition. Aller vers cette lumière est donc bien aller à contresens de la vie.
De la 1re à la 7e couche, de l’ombre à la lumière, c’est un parcours, mais retenons que ce n’est qu’une vue de l’esprit, car la réalité est toutes les couches en même temps, elle est une.
Si nous cherchons à aller consciemment en dedans de nous-mêmes, à l’intérieur, et atteindre la lumière du « ciel », il nous faut faire le noir. Nous allons éteindre petit à petit tous nos repères extérieurs.
QUI A PEUR DU NOIR ?
Pour atteindre ce ciel dégagé de tout ce qui l’encombre, point besoin d’ailes ou de fusées, seulement une façon de faire et un itinéraire. C’est ça que Vlady nous apprenait en nous faisant travailler la relaxation profonde, le travail du Pouce, le « tripotage » de la réalité, la conscience et tout le reste. C’est un bien étrange itinéraire en fait, puisque c’est le même chemin que nous avons parcouru depuis notre naissance jusqu’à aujourd’hui. D’une certaine façon, c’est le chemin qu’a parcouru l’évolution de la Vie sur Terre… mais dans l’autre sens.
Et ceci n’est pas une vue de l’esprit, une théorie, une religion, de la poésie ou de la philosophie. C’est tout le contraire et c’est très concret : il s’agit de remonter le temps, retrouver l’avant de l’éducation, l’avant de la culture. Ne plus utiliser notre système de perception et de cognition. Supprimer son corps, en fait.
Pas de panique, ce n’est nullement une invitation au suicide, mais une invitation à davantage observer son corps afin de mieux l’habiter. Quelle contradiction ! Ne trouvez-vous pas ?
Observer ce corps que nous sommes, sans le reconnaître. Car notre expérience du corps est toute autre, tant est forte la première couche de la réalité. Tout ce qui nous entoure s’impose tellement brutalement à nos sens qu’il nous est difficile de poser notre attention ailleurs. Normal, cette 1re couche de la réalité a pour mission de nous protéger, de protéger notre vie. Cette perception de la réalité est prioritaire, elle ne nous lâche pas, elle ne faiblit pas. Nos sens ne connaissent que cette 1re couche de la réalité.
Dans cette réalité, nous sommes un objet parmi une infinité d’objets. Une toute petite pièce d’un puzzle dont on ne pourra jamais dénombrer les morceaux. Ce monde tangible est notre monde quotidien et, trop souvent, notre prison aussi. Dans ce monde-là on se perd, où peut bien se trouver notre moi intime, notre moi profond ? Dans le cœur ? Dans l’âme ? Dans les tripes ou dans l’intellect ? Dans ce monde d’objets qu’on fuit ou au contraire, qu’on collectionne, ce corps ne peut être « moi ». Il est donc « à moi ». Et vive le con-sommateur !
Ce corps que je ne suis pas, mais qui m’appartient
Se rapprocher de moi commence par se rapprocher de lui, le corps.
Pour cela, il faut cesser de le posséder.
Pour cela, il faut cesser de le posséder.
D’abord, observer le corps sans artifices, sans les déguisements de nos vêtements, sans le miroir des représentations, et sans le mesurer, l’évaluer, le quantifier… Nous devons effacer le regard mécanique d’une société qui s’obstine à chosifier la Vie.
Je m’allonge et ferme les yeux. Je me détends et soupire. Je me cherche, les yeux fermés, dans le noir donc, pour ne plus être distrait par ce qui m’entoure. Est-ce si sûr ? Tout reste bien présent à l’intérieur, dans ma tête, dans mon corps. Il me faut bien plus pour couper la lumière, celle de mes souvenirs, de mes apprentissages et de mes croyances, de mes blessures et de mes espoirs. Même les yeux fermés, mon corps reste rempli d’objets, je vois encore, j’entends tout et surtout… moi-même. Je me parle, je me vois. Contre ou tout contre les autres.
Comment écouter et observer mon corps alors que je ne sais même pas ce que c’est, mon corps ! Depuis le premier cours de l’Art du Chi, j’en ai fait l’expérience troublante. Par exemple, en sentant le « Ballon de Chi », j’ai pu sentir mon corps… où il n’était pas ! Donc, puis-je faire confiance à mon jugement ? Ma logique est-elle fiable ? J’ai beau être antimilitariste et être contre la guerre, lorsque je détends mon corps, je constate que la guerre s’y trouve sous forme de tensions, de nœuds, de combats, de faiblesses et de déséquilibres… Je suis tellement loin de la paix et de l’unité.
À l’intérieur, je vois ce qu’on m’a appris et ce que je veux voir. Existe-t-il un regard intérieur qui ne dépende pas de mon éducation et de mes sens ? Réalité, illusion, pour le corps il n’y a aucune différence, tout est perception. Tout est-il illusion ? Le mental veut analyser, départager le vrai du faux. Alors que ce n’est pas une question de bon sens et de logique puisque le cartésianisme peut se tromper et le bon sens ne s’acquiert que lorsqu’on a les pieds sur terre. Mais quelle Terre ? Googlelisée, imaginaire ou vivante ?
La réponse à toutes ces questions se trouve dans le Tantien. C’est à partir de lui que l’exploration du monde intérieur commence réellement. C’est parce que le Tantien va centrer progressivement tout le corps que nous saurons où nous sommes.
Quelques phrases de Jean Klein dans lesquelles vous reconnaîtrez l’enseignement que transmettait Vlady :
« Il y a des centaines de situations dans notre vie qui se répètent maintes fois, et qui nous amènent à un état chronique de contraction. Cette contraction paralyse la vraie sensation d'énergie du corps, notre sensation tactile qui est notre acquis de naissance. Mais ayant oublié comment se ressent un corps relaxé, complètement en expansion, léger, nous appelons cette matière contractée, souvent lourde et raide, notre corps. »
« Ce que vous appelez votre corps n'est qu'une enveloppe dans laquelle vit un corps subtil. Ce corps intérieur est une énergie subtile, la force vitale qui soutient le corps physique. Toute notre sensibilité dépend de cette force vitale. »
« Comme le corps physique est au cours de votre vie de plus en plus conditionné par l'effort, il devient un nœud de tensions et de contractions qui paralyse l'expression du corps subtil. »
« Lorsque le corps vital est éveillé, toute la structure musculaire est détendue et une réorchestration de l'énergie s'effectue. »
Le Tantien
Un de ses nombreux rôles est de me centrer. Pour ce faire, le Tantien doit être « connecté » à l’ensemble (chaque cellule) de mon corps et à tout ce qui est moi. C’est dans ce processus que le corps change, se transsubstantialise. Toutes les pratiques de l’Art du Chi y contribuent, mais la relaxation profonde est un joyau irremplaçable.
Étonnamment, en relaxation profonde, c’est-à-dire lorsqu’il nous est devenu impossible d’utiliser nos muscles et de bouger - même pas le petit doigt - alors donc que l’on a supprimé toute résistance à la pesanteur et que l’on devrait se sentir écrasé, c’est alors que le rayonnement et la force du Tantien peuvent le plus facilement se percevoir dans le corps. Comme si le fait de se débarrasser du poids de la pesanteur permettait d’alléger tout ce que nous portons sur nos épaules, dans notre cœur et nos tripes. Comme si nos muscles, comme si notre corps n’était pas seulement rempli de la fatigue du jour, mais aussi du poids de toutes les expériences de notre vie.
Parvenir à la relaxation profonde est l’affaire du Tantien. Et c’est bien lui que nous travaillons depuis le tout début de notre exploration de l’Art du Chi. C’est lui qui est directement en contact avec la Vie, sa force et sa douceur. Et qui peut ainsi transformer profondément notre corps et dissoudre tout ce dont nous l’avons affublé. C’est lui qui nous permet de dégager progressivement notre ciel intérieur des conflits qui s’y déroulent. C’est grâce à lui que nous parviendrons à l’essentiel du corps, au calme et au noir de l’inconnu, indispensable pour rencontrer la lumière.
Grâce au Tantien, nous retrouvons un corps léger, gonflé de vie. C’est une expérience magnifique, remplie de calme, d’équilibre et même d’une force étonnante. La vie devient présence, une expérience extraordinairement jouissive.
* * *
Fermer les yeux, c’est une autre lumière que nous recherchons. Effacer l’agitation de la 1re couche et, grâce au Tantien, rétablir le contact avec la Vie. Contact qui restaure une communication, un va et vient : l’intérieur et l’extérieur, le corps et moi, le moi et toi, la Vie et le corps, Moi dans la Vie…
Mais ça, c’est pour un autre texte ! Peut-être un jour…