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L'attention - suite
(Deuxième partie : la chute)
06 FÉV 2018
Qu’est ce qu’ils ont de plus ? Nik Wallenda, qui marche sur un câble tendu au-dessus des chutes Niagara ou Philippe Petit, qui est resté près d’une heure entre les deux tours du World Trade Center de New York en mai 1974 ? Alors que beaucoup de gens ont de la difficulté à suivre une ligne blanche d’une dizaine de mètres, tracée sur le sol, comment se fait-il que ces funambules soient aussi à l’aise sur leur fil ?
Tout objet a un point d’équilibre. Les ingénieurs qui imaginent les ponts, les bâtiments ou les autos le savent et connaissent les formules mathématiques pour calculer leur emplacement. Les vivants ont évidemment, eux aussi, un centre d’équilibre, un centre de gravité.
Si le funambule ne tombe pas, c’est probablement qu’il ressent mieux la pesanteur que la plupart d’entre nous. Mais c’est surtout parce que tous les muscles de son corps peuvent s’organiser et travailler ensemble en fonction de son centre de gravité. Cet endroit fonctionne alors un peu comme un centre de renseignement et de « dispatching », où arrivent et d’où partent toutes les informations dont le corps a besoin pour maintenir son équilibre. Consciemment et inconsciemment.
C’est aussi ce que nous recherchons à réaliser dans l’Art du Chi. Cela commence avec la prise du Tantien.
La chute
Nous commençons par faire quelques exercices qui consistent à se laisser tomber, c’est une façon toute simple de sentir la force de la pesanteur. Mais, pas de panique, avant de choir, nous allons nous coucher sur le sol de façon à ne pas nous faire mal en tombant. On croise les jambes puis on les laisse tomber sur le côté par exemple (demi-roulade). Tomber alors qu’on est déjà à terre, cela peu sembler stupide, mais on se rend vite compte que même à terre, nos muscles agissent encore comme s’ils devaient nous empêcher de tomber ! Malgré l’absence de danger, on ne se laisse pas chuter si facilement. Il suffirait pourtant que nos muscles se laissent aller à la pesanteur. Mais non, ils ne se laissent pas faire.
Alors, on le fait exprès. Au lieu de laisser tomber les jambes, on les pousse dans le vide. On imite la « roulade » du professeur dont la chute des jambes entraîne bizarrement tout son corps dans une rotation qui remonte progressivement des jambes jusqu’à sa tête. Hé, que nos chutes à nous sont maladroites, tendues, forcées, pas agréables ! Ce corps qui ne répond pas bien, est-ce le mien ? On est en droit de se poser la question, tellement c’est choquant pour nous qui sommes tellement habitués à bouger sans y penser. Tous ces gestes quotidiens que nous faisons machinalement nous ont toujours semblé normaux, faciles… Peut-être parce que nous n’y faisions pas attention.
Alors on recommence et on recommence encore. On essaie de comprendre… et on ne comprend pas. On essaie de sentir et… on commence enfin à faire attention et à distinguer les mouvements réflexes — qui se font « spontanément », sans qu’on y pense — et les mouvements conscients, volontaires. Et ça se bouscule ! On a l’impression que les uns combattent les autres et que les autres s’ingénient à créer des obstacles pour les uns. Rien n’est coordonné. Face à ce spectacle lamentable, c’est l’horreur. Nous reconnaissons la compétition, la concurrence, l’arrogance, l’égoïsme, les tensions, les rivalités, les combats… c’est bien un état de guerre que nous observons ! Nous qui nous pensions tellement « cool », sympathiques et pacifiques, on se rend compte qu’on est remplis de la même chose que ce que nous voyons quotidiennement dans les actualités !
Nos chutes semblent ignorer la simplicité de l’harmonie, et notre corps, notre volonté de paix ! C’est une recherche, une exploration qui va commencer. Il y aura de nombreuses découvertes et aussi quelques frustrations. Guerre et paix, nous ne les avions jamais vues sous cet angle.
Ce sont ces expériences qui vont nous mener au Tantien. Et comme dans l’expérience de l’exercice de longue vie, en utilisant la détente et l’attention, nous trouverons peu à peu un sens, une orientation du travail musculaire qui évitera les combats et l’éparpillement des effets physiques et énergétiques. Nous réaliserons que « se concentrer », « se centrer » et « être en équilibre et en paix » peuvent être une seule et même chose.
À SUIVRE
(Cet article fut écrit alors que je donnais un stage sur le Tantien, en février 2017)