L'attention


(Première partie : l'exercice de longue vie)

19 JAN 2018


L'attention

Quelle est la pire des choses que nous puissions faire à quelqu’un ?

L’ignorer. Ignorer son existence, sa vie. Pourtant, c’est ce que nous faisons tous. Nous ignorons notre corps. Pas celui qui se reflète dans le miroir évidemment, mais celui qui nous fait vivre. Nous faisons comme s’il n’existait pas. C’est pourtant lui, notre vie.

Quelle est la différence entre un professionnel et un amateur ?

Le professionnel maîtrise son domaine, il passe sa vie à s’en occuper. L’amateur passe sa vie à s’occuper approximativement de choses diverses. (Oui, je sais qu’il y a plusieurs sens aux deux termes en question.)

Pourquoi les techniques de détente, de mieux-être, les disciplines de vie comme l’Art du Chi, le yoga, le zen, le Tai Ji Quan par exemple, pourquoi tout ça est-il si complexe, si lent à intégrer ? Pourquoi la vie n’est-elle pas simple ?

Si les techniques et les disciplines de vie nous paraissent si compliquées, c’est peut-être parce que nous passons notre vie à nous occuper d’autres choses que de notre vie. Nous nous dispersons dans une foule d’autres intérêts et obligations diverses : le métier, l’argent, la politique, le commerce, la notoriété, les hobbies, etc. Cela ne poserait pas de problèmes si à travers eux nous nous intéressions à la vie.

Le métier, l’argent, la politique, le commerce, la planète… pour la vie ? Ce serait possible, peut-être même facile, mais ne rêvons pas ! Non, nous ne sommes que des amateurs et nous nous faisons la pire des choses que nous pouvons faire à quelqu’un : l’ignorer.

Un exercice de Qi Gong appelé « Exercice de longue vie »

Accorder un peu d’attention à la vie de mon corps et… ma vie change. Tout commence avec l’attention. À quoi fais-je attention lorsque je pratique une technique, une discipline de vie ?

Prenons par exemple, un des huit « brocarts » que nous pratiquons dans notre École, généralement au début des séances de Tai Ji Quan, pour nous dégourdir un peu.

Nous sommes debout, les pieds ne sont pas très écartés l’un de l’autre et nous nous balançons. Nous plaçons tout notre poids alternativement sur les orteils et sur les talons. Les bras peuvent aussi se balancer d’avant en arrière et faire office de balancier.

Après quelques ajustements de notre équilibre, cela devient facile… et même un peu trop. On a hâte de passer à autre chose. On se demande pourquoi avoir affublé cet exercice de ce nom grandiose ! À moins que je passe à côté de l’essentiel ?

Un peu d’attention et d’autres réalités apparaissent. En faisant l’exercice, on peut remarquer par exemple que notre équilibre s’obtient à grand renfort de contractions musculaires et de postures… parfois assez cocasses. Alors que si nous gardons le tronc droit et la tête dans le prolongement de celui-ci, on s’aperçoit qu’on garde bien plus facilement son équilibre. Ce n’est qu’alors que nous remarquons que nos jambes travaillent tout le temps. Ce sont de vrais poteaux, tellement les muscles restent contractés. Pourtant nous ne devrions faire un léger effort supplémentaire que lorsqu’on s’engage vers les orteils ou vers les talons. Entre les deux, pourquoi les muscles restent-ils contractés à ce point ?

Nouveau défi donc : entre le moment où je suis sur les orteils et celui où je me trouve sur les talons, lorsque l’espace d’un instant mes pieds sont à plat contre le sol, à ce moment-là l’effort musculaire que j’ai fait pour aller sur mes orteils ou sur mes talons, s’est-il effacé ?

L’équilibre, la bonne posture, l’efficacité sont tous liés à une certaine capacité de détente musculaire. J’ai donc progressivement changé ma façon de faire l’exercice de longue vie. Mes mouvements sont devenus plus assurés et plus souples, j’ai amélioré mon équilibre. C’est alors et alors seulement que je peux me rendre compte de quelque chose qui va transformer une nouvelle fois ma façon de faire l’exercice.

Grâce à cette meilleure détente musculaire, j’observe que les muscles de mes jambes ne travaillent pas tous en même temps, qu’il y a une organisation interne, un sens, une orientation à leur travail.

Lorsque je m’engage vers les orteils, ce sont d’abord les muscles des chevilles qui se contractent. Ensuite viennent ceux des mollets, des genoux et des cuisses. Et c’est aussi exactement dans cet ordre que le travail musculaire s’organise lorsque je m’engage vers les talons. Ce qui veut dire qu’à chaque balancement d’avant en arrière ou de l’arrière vers l’avant, des resserrements remontent dans mes jambes.


Voilà un massage en profondeur, des pieds vers le tronc c’est-à-dire vers le cœur. Je suis maintenant présent, attentif à cet aspect fondamental de l’exercice qui passait inaperçu jusqu’ici. Je synchronise à présent le déplacement de mon attention avec mes mouvements de balancement et le massage qu’ils exercent est de plus en plus profond et efficace. C’est évident, cet exercice aide la circulation veineuse dans les jambes, le retour du sang au cœur. « Longue vie », voilà pourquoi on l’a appelé ainsi !

Ainsi, avec beaucoup d’attention et un peu de détente musculaire, j’ai pu découvrir une orientation du travail musculaire mise en évidence par cet exercice de Qi Gong. Je ne dis pas que c’est la seule donnée par cet exercice, il y en a d’autres possibles. Mais ce qui importe c’est d’en avoir suivi une et ainsi d’avoir évité la dispersion, l’absence d’orientation, l’éparpillement des effets physiques et énergétiques de l’exercice.

À SUIVRE
(Cet article fut écrit alors que je donnais un stage sur le Tantien en février 2017)






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L’Art du Chi est un art millénaire. Il est diffusé dans plus de 15 pays par les enseignants de l’École de la Voie intérieure, fondée en 1988 par Vlady Stévanovitch, reconnu l’un des maîtres les plus subtils de l’époque moderne en Occident.

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