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La Voie intérieure, le malentendu
(Sauver la vie ?)
19 JAN 2019
Ce n’est pas parce que nous faisons attention à nos émotions ou à ce qui se passe à l’intérieur de notre corps que nous faisons une démarche intérieure. De même, ce n’est pas parce qu’on pratique le yoga, le tai chi, le zen, la méditation, le qi gong ou l’acuponcture par exemple, que nous avançons sur la « Voie intérieure » (la « Voie interne », Nei Chia ou neijia en chinois).
Que nous portions notre attention à l’intérieur de nous ou à l’extérieur, elle reste la même. Dans les deux cas, nous faisons ce que nous avons appris : observer, analyser, essayer de comprendre. Cette façon de faire attention, de regarder, de penser, de comprendre est aujourd’hui devenue mondiale. C’est la pensée scientifique. Elle s’appuie entre autres sur le cartésianisme et le principe de causalité.
Heureusement ! Car c’est un progrès immense par rapport aux pensées symboliques, magiques ou religieuses qui existaient précédemment. La pensée scientifique nous a permis de découvrir des choses fabuleuses.
…Des choses ! Nos découvertes extraordinaires concernent les choses. Et la relation quelles entretiennent entre elles s’appelle : la mécanique. Les mécaniciens s’appuient sur la causalité. Auparavant, il fallait découper le corps pour essayer d’en comprendre les mécanismes. Aujourd’hui, nos moyens d’investigation sont incroyablement plus sophistiqués, mais ils regardent toujours de la même façon. Pour tenter de se rapprocher de la vie, nous regardons la matière et pas la vie qui l’anime. C’est le monde de la matière morte. C’est ce monde-là que nous voyons, que nous apprenons à l’école et dans toutes les HEC du monde. Le monde dans lequel nous « vivons » n’est pas celui de la Vie, mais celui de la mort.
Par curiosité j’ai consulté Antidote (un des correcteurs les plus utilisés au Québec), il ne signale aucun antonyme à « mécanisme ». Il n’existe pas de contraire à mécanique ou mécanisme. Et ne me parlez pas de spiritualité, tout au moins comme nous la comprenons généralement, c’est-à-dire en l’opposant à « matérialité ».
Que deviennent alors le yoga, le tai chi, le zen, la méditation et le qi gong par exemple ? De la gymnastique ! Comme n’importe quelle gymnastique ces disciplines peuvent bien sûr nous faire le plus grand bien. Et comme toute gymnastique, on peut y « performer », se surpasser et même vaincre lors de compétitions (la Chine voudrait que le tai chi soit représenté aux jeux olympiques). Au mieux ces disciplines font bouger les sédentaires mais au pire, elles font croire qu’on les connait. Alors que ces disciplines ne sont justement pas ce que nous appelons gymnastique.
Notre naissance ne nous a pas mis au monde, elle nous en a expulsé. Et nous restons à l’extérieur de la vie, même lorsqu’on pense s’y couler. Ensemble, nous construisons toujours plus solidement un monde fabriqué et remplis de la mécanique des systèmes économiques, politiques, universitaires, scientifiques, même artistiques… Tous nos apprentissages sont conçus pour nous distinguer de la vie. Dans son laboratoire, le scientifique d’aujourd’hui ne peut se rapprocher de l’expérience sous peine de son annulation. Ce sont des robots qui doivent tout manipuler, l’humain fausse les résultats.
On entend souvent l’argument selon lequel cette vie, construite, culturelle, humaine et pas « sauvage », que cette vie fait aussi partie des plans de la vie. Que cette construction de notre conscience est organiquement prévue, qu’elle est dans nos gènes. Oui, c’est bien évident. Mais très partiel.
En fait, ce n’est pas l’élaboration de notre conscience qui pose problème, mais ce qu’on en fait, vers quoi nous l’orientons. Pourquoi ne reconnaissons-nous pas la vie, celle qui anime la matière ? Pourquoi voulons-nous en construire une autre ? Pourquoi nier celle qui nous a fait, qui nous a mis au monde et qui continue de nous animer ? Pourquoi par exemple, dire que ce qu’on retiendra de nous c’est ce qu’on aura fait ! Ne vaudrait-il pas mieux retenir de nous que nous n’avons rien fait contre la vie et que nous en avons jouis le mieux possible ? Que notre vie n’a pas fait obstacle à la nature et à la nature de notre vie ?
Nous est-il possible d’observer autre chose que de la mécanique ? Peut-on observer autrement la réalité vivante, le phénomène même de la vie ? Peut-on être ailleurs que devant le monde ?
Voilà, nous y sommes. Car voilà ce que sont le yoga, le tai chi, le zen, la méditation, le qi gong… Ces disciplines ne sont pas des gymnastiques, pas plus que des doctrines, des religions ou des philosophies. Elles sont la « Voie interne », celle qui nous ramène à l’intérieur. Celle qui nous oriente vers la Voie de la Vie.
C’est là que se situe l’Art du Chi, l’art de la Vie, de la vie vivante.
Et ne croyez pas qu’il faut devenir moines ou illuminés pour pratiquer cette Voie. Il suffit d’aller là où se déroule la vie : à l’intérieur. Il faut apprendre, être guidé. Nous ne sommes pas les premiers sur ce chemin, il a été balisé. Ce sont des techniques qui datent probablement de l’aube de l’humanité. Lorsque l’humain était encore dans la nature, dans sa nature.
C’est à l’intérieur de nous-mêmes que la vie se trouve. Nous devons nous intérioriser et non regarder, analyser, comprendre… Comment voulez-vous comprendre ce qui nous dépasse abyssalement ! Pour rejoindre la vie, il faut faire le contraire de ce qu’on a l’habitude de faire.
Le silence. Faire taire la parole. Se taire se situe à l’opposé de la distraction qui elle, nous fait seulement croire au silence. Car c’est la parole qui nous a appris à penser, toute pensée est donc parole. Et il faut effacer même la parole qu’on dit « intérieure », cette petite voix qu’on prend souvent pour notre expression la plus intime et profonde. Cette parole intérieure n’existe pas, toute parole est extérieure. Elle s’adresse toujours à quelqu’un, même si ce quelqu’un est soi-même. Supprimer toute parole, c’est la seule façon de ne pas imposer la logique du langage sur la réalité (la vie).
Hé oui, le silence, c’est bien l’ambition de toute méditation ! C’est la condition pour rejoindre la Vie, pour cesser d’être « devant » et enfin être « dedans ». Dans son corps vivant. C’est ça la spiritualité. La vie est spirituelle.
Oui, toutes les personnes qui pratiquent L’Art du Chi vous le diront, cette discipline est vraiment bonne pour la santé. Pour la beauté, pour l’équilibre, pour le cœur, la digestion… Pour le moral comme pour le tour de taille.
Pour moi, c’est une occasion de sauver notre peau. De sauver la vie, la vraie, la seule qui vaille la peine d’être vécue. De faire la paix avec elle, avec la Terre, avec les autres, avec moi.